Le designer front-end et le développeur front-end
Il y a quelques années, je rédigeais un article sur l’intégrateur web. Dénomination qui était en 2013, la formule consacrée pour désigner la personne en charge de créer des maquettes, intégrer les images, les textes, les vidéos et de s’assurer du bon comportement du site sur ordinateur, tablette et mobile (le web responsive). Puis les tâches évoluant au gré des nouvelles tendances et bonnes pratiques, le métier s’est petit à petit redirigé vers une dénomination dans l’air du temps : développeur front-end.
Oui mais voilà, l’histoire ne s’est pas arrêtée là…
La renaissance du Javascript
2013-2014 marque le grand réveil du Javascript.
Le Javascript côté serveur (Node.js) et les frameworks Javascript comme Angularjs, Vuejs, React sont venus s’incruster durablement dans l’écosystème du développeur web. Ces technologies front-end sont indispensables pour créer des interfaces complexes et interactives, ceci en manipulant les pages HTML jadis statiques. On peut donc faire des beaux tableaux de bord interactifs qui se mettent à jour en temps réel, plus besoin de recharger de page.
Avec ces nouvelles possibilités, le développeur front-end doit s’adapter. Il devient à la fois intégrateur web (plus ou moins bon), manipule allègrement le jQuery (il trouve ça presque ringard) et le Javascript Vanilla, mais surtout il est à l’aise avec les nouvelles technos Javascript (Angularjs et consorts – vu ci-dessus).
Aujourd’hui, ce métier de développeur front-end a tellement évolué (depuis sa dénomination de 2013), que si vous lisez une offre d’emploi de « développeur front-end » il sera question de technos Javascript avant tout. Le HTML ou CSS ne sont même plus mentionnés (ou si peu).
Alors oui, le métier de développeur front-end / intégrateur a (encore) muté.
Le métier a muté, ou alors est-ce un problème de sémantique ?
Le « développeur front-end 2017 » est un développeur qui fait du back-end avec du langage autrefois réservé au front-end (le Javascript). Il scarifie le HTML, et distille du CSS dans du Javascript. À en perdre son latin !
Il n’a pas nécessairement de compétences en design d’interface et on ne lui demande plus d’être sensible à l’esthétique. Finalement le développement Front-End bien nommé n’a plus grand-chose à voir avec un concepteur de page web visuellement riche. Il ressemble de plus en plus à un développeur back-end pur et dur.
Il manipule des routes, il crée des modules, il définit des directives, il a besoin de nombreuses dépendances et il compile sans fin. Je ne vois plus d’éléments graphiques ou visuels dans tout ça…
À qui la faute ?
Est-ce que ce sont les projets qui ont évolué ? L’avènement des interfaces single-page ? La mort des sites web originaux à la faveur du flat design minimaliste devenu légion ?
Peut-être tout ça à la fois… Ou alors il faut faire évoluer les dénominations.
Un nouveau nom pour les profils du front-end ?
Finalement, ne serait-il pas plutôt confortable de considérer que le front-end a engendré deux lignées distinctes de développeurs ?
Le développeur front-end «nouveau millésime»
C’est le développeur qui s’est éloigné des fondements du front-end : il fait des applications single-page en Javascript déjà conçues par un designer UX, ou un graphiste. On ne lui demande pas d’avoir un regard critique vis-à-vis de l’esthétique. Il n’a pas à faire de responsive design (ou si peu), il s’attache essentiellement à faire parler l’interface avec le back-end.
Finalement, il a tout d’un développeur, alors gardons les choses simples et appelons-le « Développeur Front-End ».
Le « designer front-end » (ou Front-End Web Designer)
D’un autre côté on a le concepteur qui traduit au quotidien des maquettes graphiques en code, il crée des maquettes fonctionnelles. Sans se soucier (dans l’immédiat) de les faire dialoguer avec le back-end.
Il fait du HTML, du CSS, du Responsive Design et même du Javascript pour faire de jolis effets et animations. Il n’a pas peur du jQuery (loin s’en faut) et comprend les rouages de Angularjs sans que cela soit sa spécialité. Il a le sens de l’esthétique et maîtrise les principes de l’expérience utilisateur (UX). Ce concepteur a tout du designer. Il produit un rendu visuel sur lequel ces décisions techniques et esthétiques influent le résultat final.
Voilà donc, le nouveau « Designer Front-End » !
Il y a des profils, qui par intérêt, se tournent plutôt vers le rôle de développeur front-end et d’autres vers le rôle de designer front-end.
Bien sûr, il y a des développeurs qui sont capables d’être designer et développeur front-end, il y a aussi des développeurs full-stack et des licornes à trois têtes.
Il y a surtout des développeurs ou designers, qui par intérêt, se tournent plutôt vers le profil de développeur front-end et d’autres vers le profil de designer front-end.
Cette segmentation du développement front-end me semble faire sens aujourd’hui.
Un avenir tout tracé pour le designer front-end ?
Cependant, le marché semble entièrement dévolu aux développeurs front-end plutôt qu’aux designers front-end. Les projets ont évolué et la demande d’interface single-page semble légion de nos jours. Ajoutons à cela la maturité du flat design, quasi institutionnalisé. Le designer front-end semble un peu à l’étroit.
Le designer front-end établit un pont entre l’équipe des designers et l’équipe des développeurs.
Malgré tout, le designer front-end a un rôle important à jouer. Car il est capable d’établir un pont entre l’équipe des designers et l’équipe des développeurs «core». Il connaît les contraintes techniques et les bonnes pratiques UX. À cela il est doué d’un bon sens esthétique afin de marier au mieux les attentes des designers aux contraintes des développeurs front-end & back-end.
Enfin, le designer front-end est doué d’une grande autonomie, dans des projets de petite envergure. Les CMS comme WordPress lui permettent de créer des solutions complètes et complexes sans avoir recours à un développeur back-end.
Voici un schéma qui décrit comment le designer front-end trouve sa place dans le workflow de la production web.